La détermination de Lucy, partie 3
Quand Lilith finit sont récit, je ne sus quoi dire, j’étais abasourdie. Même pour moi, cela faisait beaucoup trop d’informations en une seule fois.
Ma famille descendait non seulement d’un démon mais aussi d’un des druides les plus illustres, une légende prenait ainsi vie dans la réalité. Mon oncle était-il au courant? Mes parents savaient-ils pourquoi Bélial les a-t-il pourchassés? Finalement, toute cette histoire n’était que le résultat tragique d’une énième guerre entre anges et démons. Et tout ça pourquoi? Une épée... Sommes-nous si peu de choses pour ces êtres tout puissants, ces demi-dieux? Myrddin avait perdu sa liberté pour ce bout de métal et moi, ma famille…
J’eus besoin d’un moment pour encaisser tout ça… Lilith le comprit et resta près de moi en silence. Enfin, je revins un peu à moi, en bougeant un peu la main sur l’arbre sur lequel on était toujours appuyées, je sentis la main de Lilith. Machinalement, je la saisis et la serrai fort. Je la sentis se refermer sur moi. Je sentis les larmes me monter aux yeux, je ne pouvais le contrôler. Elles ruisselèrent sur mes joues. Néanmoins, je pus enfin lui parler, mais point la regarder.
« Tu m’as sauvé la vie…
- Mais je n’ai pu sauver la leur, ni celle de tes parents, ni celle de Myrddin, ni même celle d’Arthur… »
Je me redressai alors, tenant toujours sa main dans la mienne et la regardai dans les yeux. Elle aussi avait des difficultés à retenir ses larmes.
Quoiqu’il en soit, j’avais mes réponses, qu’elles me plaisent ou non, je savais ce que je voulais savoir. Je savais aussi que sans Lilith, je ne serais pas là pour en parler. Elle a protégé l’enfant de Myrddin comme elle a protégé l’enfant que j’étais. Je n’avais plus aucun doute quant à l’amitié qui nous liait. L’émotion dans son regard suffisait à me rassurer sur sa sincérité. Concernant mes parents, j’avais fait mon deuil il y a déjà bien longtemps, je ne souhaitais qu’une chose, la vérité. Je ne ressentais aucune haine, ni plus aucune douleur. Je me sentais chanceuse d’être en vie, d’être humaine malgré le fardeau que porte notre famille en son sang. La vérité m’avait libérée et j’étais consciente du poids que cela avait été pour elle, elle qui avait toujours cherché à me protéger…
Alors, naturellement, je la pris dans mes bras et lui murmurai à l’oreille un sincère « merci ». Oui, merci d’avoir été là pour nous, merci d’avoir fait tout ce que tu pouvais, merci d’être aujourd’hui mon amie. Ainsi enlacées, nous nous laissâmes aller et nos larmes coulèrent à flot, des larmes libératrices qui étaient comme autant de souffrances qui s’en allaient.
Soudain, je ressentis quelque chose d’étrange. Je me sentais pourtant bien, comme je ne l’avais été depuis longtemps. Je sentais une douce chaleur envelopper mon corps, je me sentais partir comme quand on se sent sombrer dans un rêve, quand on a l’impression de chuter.
J’avançais, Lilith sur mes talons. Je n’étais plus maitre de mes pas, ni de mon corps tout entier mais pourtant consciente de toute chose.
Dans cette transe soudaine, j’entendais au loin la voix de Lilith sans comprendre ce qu’elle disait. Une autre voix, en moi cette fois, se fit entendre. C’était incompréhensible, c’était une sorte de chant qui s’intensifier au fur et à mesure que j’avançais. J’ignorais la signification de tout ceci mais je ne ressentais aucune peur, comme si ce qui se passait devait se passer. Appelez-le « destin », « chemin de vie » ou comme vous voulez mais je sais que je devais subir cet état, suivre ce chemin. Enfin nous arrivâmes jusqu’aux abords du lac, dans un des coins les plus sauvages, aucun sentier ne nous avait mené jusque-là. Les eaux semblaient sombres et froides à cet endroit. Je continuais pourtant d’avancer. Je sentais l’eau fraîche monter déjà jusqu’à mes anches et pourtant je n’avais pas froid. Je m’arrêtai alors, Lilith était restée sur la berge, elle avait déjà vécu cela, je le compris, je commençais à comprendre. Je fis alors un pas de plus, tout aussi incontrôlable que ceux qui m’avaient menée jusque-là, et je sombrai dans les profondeurs obscures du lac. Pourtant privée d’oxygène, je ne sentais pas de suffocation, la vague de chaleur, douce et apaisante semblait me protéger. Il faisait sombre, je coulais doucement, jusqu’à atteindre le fond. Le chant dans ma tête était plus fort et plus mélodieux que jamais. Elle m’appelait, comme Elle l’avait fait des siècles plus tôt avec Myrddin. L’Épée était là, lumineuse, étincelante, lumière éclatante et pure dans les profondeurs obscures. L’Épée des Rois.
Je la saisis alors, le chant s’intensifia, la voix de l’Épée. Elle m’attira littéralement vers le haut, vers la surface. Je sentis alors l’air pénétrer à nouveau mes poumons, le chant cessa, j’étais redevenue moi-même. Je nageais alors jusqu’à la berge où se trouvait Lilith qui s’élança dans l’eau à ma rencontre et m’aida à sortir. Je tenais toujours l’Épée, la douce chaleur protectrice venait d’elle, je le sentais. Myrddin et Arthur l’avaient-ils sentie aussi? Je la regardais sous toutes les coutures. Que s’était-il passait exactement? Je l’ignore mais l’Épée était là, dans mes mains. Je ne pouvais arrêter de la contempler.
Enfin, Lilith me fit revenir à la réalité. Elle était visiblement inquiète. J’eus toutes les peines du monde à la rassurer et je ne suis pas sûre d’y être réellement parvenue mais il était temps de rentrer à Edinburgh afin de rassurer tout le monde. De plus, j’étais très impatience de montrer l’Épée à Serah. A ce moment-là, plus que jamais, j’étais persuadé que l’Épée qui constituait une partie du symbole des Reliques et celle-ci était une seule et même arme. Je sentais au plus profond de moi-même, comme un message gravé dans mon esprit, dans ma chair et dans mon sang que l’Épée de Rois devait être remise à la princesse citée dans la prophétie. Elle était destinée à servir cet être exceptionnel capable de faire renaitre ce royaume aujourd’hui disparu.
Peut-être était-ce dans ce but que Myrddin confia l’Épée à Arthur à l’époque, voyant en lui un tel monarque. Il n'avait probablement pas eu les vers prophétiques en sa possession, peut-être n’a-t-il même pas imaginé que l’Épée devait revenir à une femme… De plus, qui sait où se trouvait Serah à cette époque-là, quel nom portait-elle? Cherchait-elle déjà les Reliques? Allez savoir.
Quoiqu’il en soit, aujourd’hui elle a eu l’Épée entre ses mains. Pourquoi je formule cela au passé? Tout simplement parce que l’Épée des Rois est actuellement dans les miennes.
Quand nous sommes rentrés à l’appartement, Serah discutait avec Yuuki dans le salon, Luna, son chat, sur les genoux. Dès que Lilith et moi eûmes franchi la porte d’entrée, Luna s’élança à notre rencontre. Elle regardait l’Épée à ma main, l’œil brillant, presque avide. Serah vient à sa suite et elles s’échangèrent un regard comme elles en ont l’habitude, leur façon de communiquer probablement.
Lunamiel vint ensuite, inquiète, nous questionnant sur ce qu’il s’était passé mais elle s’interrompit quand elle vit l’ l’Épée et l’intérêt de Serah. Je lui tendis alors respectueusement l’Épée, Luna avait sauté dans ses bras pour être aux premières loges.
« Nous l’avons trouvé dans un lac, au sud. Elle a... déjà un lourd passé... »
Yuuki, Demian, et Cherry apparurent à leur tour. Yuuki s’avança avec hésitation pour être à la hauteur de Serah qui n’osait faire un mouvement.
« Cette épée… j’entends son chant… Elle vient du fin fond des temps, je le sens, elle a tant à raconter… » Affirma-t-elle.
Serah lui sourit. Elle avait les larmes aux yeux.
« Oui, je l’entends aussi. Je sens mon cœur vibrer à l’unisson avec elle. Son chant vient bien de chez nous! »
Elle posa alors sa main tremblante sur la lame fraîche qui se mit à étinceler comme elle l’avait faite au fond du lac. Serah ferma les yeux, ressentant le pouvoir de la Relique qu’elle avait tant cherchée. Dans l’appartement, tous observaient la scène en silence. Quand Serah ouvrit les yeux à nouveau, ses larmes coulaient sur ses joues. Elle posa alors son regard sur moi, fixement, un regard empreint de gratitude.
« Merci, parvint-elle à articuler. Merci infiniment. » Elle souriait. « C’est bien une des trois Reliques d’Avalon, cela ne fait aucun doute. Je sens son pouvoir lié au Cristal Sacré.
- Elle te revient de droit, elle t’… » Commençai-je alors mais Serah m’interrompit en secouant la tête et en souriant. Elle prit l’Épée telle que je la tenais et me la tendit à son tour. Luna avait sauté sur le meuble le plus proche et observait la scène attentivement.
« Les trois Reliques doivent être réunies en temps et en heures, commença Serah, mais pour l’instant, c’est toi que celle-ci a choisie. Cette épée représente la force et la détermination des Hommes et il te revient l’honneur de la conserver jusqu’à qu’on trouve les deux autres. Tu en es donc la gardienne désormais, prends en grand soin car je sens un puissant lien qui vous unis. »
Lilith s’interposa alors, une profonde inquiétude se lisait sur son visage :
« Serah, tu n’y pense pas! J’ai vu anges et démons se battre pour cette arme et s’octroyer ses propriétés, si Lucy la conserve elle sera en grand danger! » Elle me jeta un regard des plus inquiets et baissa la tête puis continua, plus doucement :
« Elle a bien assez souffert à cause d’elle… »
Je fus très touchée par l’inquiétude de mon amie mais ma décision était prise et elle devait l’accepter. J’étais unie au destin de l’Épée et elle au mien, que je le veuille ou non. J’avais décidé de l’assumer fièrement.
Ils s’approchèrent alors tous pour la rassurer, Demian en tête, et lui assurèrent que je ne serai pas seule, qu’ils seraient tous là en cas de problème. Tous jurèrent de garder le secret, un de plus, sur la découverte de l’Épée des Rois, capable d’éradiquer le Mal en personne, et de la protéger. Même Cherry qui pourtant parait toujours hermétique à tout, promit. D’ailleurs, concernant cette dernière, après cette journée son attitude à mon égard changea sensiblement. Peut-être voyait-elle enfin en moi quelque chose qu’elle trouvait intéressant, moins ennuyeux…
Oui, beaucoup de choses ont changé... Il va sans dire que mes cauchemars ont enfin cessé, je passe enfin des nuits paisibles. Ma relation avec Lilith est enfin redevenue ce qu’elle était à ses débuts, nous sommes peut-être même encore plus proches désormais, au grand damne de Cherry. Nous nous sommes aussi rapprochées avec Serah, elle s’est un peu plus livrée à moi, sur ses origines, ses buts. Cette femme est une vraie mine d’informations, elle semble avoir connu toutes les civilisations et je pourrais passer des heures à la questionner!
Ce séjour a radicalement changé ma vie, ma perception même de ma propre existence. Je reste peut-être la seule petite humaine du groupe mais tout le reste est différent. Je suis arrivée prisonnière de mes questionnements et de mes doutes, enchainée à mes cauchemars et je repars libérée, sûre de moi et de l’avenir, assumant pleinement mon destin et mon héritage, l’Héritage du Démon.
FIN.