Blencathra, partie 1
Voilà quelques mois, je vous parlais d'un conte que j'avais écrit racontant les origines du nom de "Blencathra". Vous pouviez jusqu'à présent le lire gratuitement sur Amazon Kindle, Kobo, Lulu ou encore Wattpad. Néanmoins, avec le recul, je trouve dommage de ne pas le publier ici. Il est vrai qu'avec la popularité des réseaux sociaux, nos bons vieux blogs ne sont plus trop à la mode, néanmoins j'y reste très attachée. Aussi, je vais donc publier ce conte ici, coupé en 3 parties car je ne veux pas vous abrutir de mots. Mais ne vous inquiétez pas, elles seront très vite publiées.
Ce conte est le 1er d'une petite série car il y certains personnages un peu en retrait que j'aimerais approfondir. Lunamiel, Lilith ou encore Yuuki ont souvent été sur le devant de la scène dans mes histoires, il est temps de parler un peu des autres!
Donc dans ma lancée, j'ai écrit une autre histoire courte sur les premiers pas sur Terre de Serah, qui sera publiée également ici plus tard, entre deux séances photo. Là encore, on y retrouve certaines références à un conte célèbre.
Actuellement, je travaille sur une 3ème histoire, concernant l'enfance de Cherry cette fois, mais je dois avouer qu'elle me donne un peu de fils à retordre. Je ne suis pas encore assez satisfaite du résultat pour la publier.
J'aimerais bien écrire sur le passé d'Emrys également, mais quand j'en aurais fini avec Cherry. J'ai du mal à me concentrer sur plusieurs textes en même temps. ^_^
Quoiqu'il en soit j'espère que ces petites histoires vous plairont. ♥
Il était une fois une jolie petite fille répondant au nom d’Helvellyn. Elle était blonde comme les blés, avait de grands yeux bleus et le teint halé par ses journées passées en plein air.
En effet, l’enfant occupait son temps à veiller sur les trois brebis qu’elle avait héritées de ses parents. Elle les amenait paître tous les jours sur les hautes collines qui surplombaient sa petite bergerie.
Chaque colline avait un nom bien sûr, elles faisaient partie intégrante de la vie des gens aux alentours. Il y avait Skiddaw, Catbells, Scafell Pike ou encore Blencathra, pour les plus imposantes. La colline Chesnut, plus modeste, était connue pour son site druidique composé de pierres levées disposées en cercle. Nul ne savait qui les avait mises là, mais elles étaient déjà très anciennes.
Toute la région était couverte de verdures et de forêts immenses où vivait une faune riche et variée. De nombreux ruisseaux dont la taille dépendait des différentes crues arrosaient cette nature si vivante. Sur le flanc des collines, les pâturages étaient délimités par des murets de pierres sombres construits par les ancêtres des bergers des alentours.
Enfin, aux pieds de ces reliefs verdoyants, s’étendait le lac Derwent, long de plusieurs kilomètres. Ses eaux étaient claires et pures, elles reflétaient tel un miroir les hautes collines, le ciel et les arbres. C’était sur ses abords que s’était formé un joli petit village où il faisait bon vivre.
Les habitants vivaient paisiblement, en parfaite harmonie avec la Nature. Elle leur offrait absolument tout ce qui leur était nécessaire. Les verts pâturages pour les troupeaux, les rivières pour l’eau bien sûr, mais aussi les poissons en abondance, une terre fertile pour les cultures.
Un jour, alors que Helvellyn veillait sur son petit troupeau sur les flancs de la colline Blencathra, un violent coup de tonnerre éclata. La petite fille fit un bond et observa le ciel, inquiète. Hors, il n’y avait aucun nuage. La journée était magnifique. Toutefois, par sécurité, elle rassembla ses brebis. Un autre coup de tonnerre se fit entendre. La terre se mit alors trembler sous ses pieds. Elle était terrifiée.
Il y eut alors un puissant craquement et de gros rochers se détachèrent du sommet de la colline. Heureusement, ils déboulèrent bien plus loin et Helvellyn était hors de danger.
Alors qu’elle observait la scène pétrifiée, l’enfant crut apercevoir une forme humaine drapée de rouge au milieu de la poussière provoquée par l’éboulement. La silhouette semblait recroquevillée là où quelques instants plus tôt s’élevait le sommet. Désormais, il ne restait plus qu’une arrête à l’apparence coupante et irrégulière.
Tout à coup, l’inconnu fut rejoint par trois ou quatre autres formes qui n’avaient rien d’humaines. Malgré la distance, elles semblaient immenses, la peau grise. Helvellyn avait du mal à les différencier de la roche à laquelle elles s’agrippaient, prêtes à bondir sur leur proie.
Elles s’élancèrent en même temps. Ce fut très rapide. L’inconnu en rouge se redressa au dernier moment et les créatures grises furent violemment repoussées avant même de l’avoir atteint. Du sang jaillit de leurs corps qui semblaient se disloquer. Elles s’écrasèrent en contrebas. Et le silence s’abattit de nouveau sur la colline. C’était fini.
Helvellyn était horrifiée par ce qu’elle venait de voir. Elle releva la tête vers la silhouette mystérieuse mais elle la voyait à peine à présent. Visiblement, elle s’était écroulée.
Au bout d’un moment, la petite fille reprit ses esprits et s’en fut à toutes jambes jusqu’au village pour raconter ce dont elle venait d’être témoin.
Cela aurait été l’histoire d’une autre enfant, les villageois auraient été méfiants, mais Helvellyn avait toujours été honnête, et elle était visiblement terrorisée. Néanmoins, elle demanda de l’aide pour la personne qui avait affronté les « monstres ». Elle était bien trop jeune pour grimper toute seule sur Blencathra désormais instable.
Un groupe de villageois l’accompagna donc. Elle rejoignit ses brebis pendant qu’ils se dirigeaient vers le sommet brisé de la colline si accessible le matin même. Ils n’en revenaient pas de voir ce paysage dévasté. Certains firent même demi-tour croyant avoir affaire à l’œuvre du Diable.
En chemin, ils tombèrent sur les cadavres des créatures. Elles étaient en morceaux, littéralement. Néanmoins, cela n’enlevait rien à leur terrifiante apparence. Elles n’avaient vraiment rien d’humains. Leurs mains disposaient de puissantes griffes, et certaines avaient des crocs énormes, d’autres des cornes noires semblables à celles des boucs.
Devant ce spectacle, d’autres villageois s’enfuirent, ne voulant pas découvrir celui qui avait ainsi combattu, et vaincu, ces ignobles « démons ». « Cela ne pouvait être qu’un autre démon bien plus terrible encore. » se disaient-ils, terrifiés.
A la fin, seuls deux hommes atteignirent le sommet. Pour eux, il était inconcevable de laisser celui qui les avaient sauvés de ces terribles créatures, probablement blessé, affronter une mort certaine. « Non, cet homme n’était pas un démon ou le Diable en personne. Cet homme était un héros, un chasseur de démons. » pensaient-ils. « Des chansons devaient chanter ses louanges. » Peut-être en feraient-ils partie ? Ragaillardis par ces idées, les villageois trouvèrent l’endroit où le héros était tombé.
A leur grande surprise, ce n’était pas un puissant guerrier qu’ils découvrirent mais une jeune femme. Ce qu’Helvellyn avait pris pour une cape n’était autre que sa belle chevelure rouge sombre.
L’inconnue était inconsciente mais elle respirait encore. Elle avait de multiples blessures, aux bras et au visage, seules parties de son corps à nues. Du sang s’écoulait de son front et de ses lèvres. Ses vêtements étaient fort étranges et lui donnaient un aspect plutôt effrayant. En effet, elle portait une sorte d’armure d’écailles noires, à l’apparence légère et fine, qui s’adaptait parfaitement à son corps de femme. Elle avait été faite pour elle. Néanmoins, malgré la violence du combat, l’armure était intacte et avait parfaitement protégé sa propriétaire.
Tant bien que mal, les villageois la portèrent et la firent descendre le long de la colline, non sans avoir risqué de se rompre le cou une bonne dizaine de fois.
Finalement, quand ils rejoignirent Helvellyn, il faisait nuit. Ils n’eurent d’autre choix que de conduire l’infortunée jusqu’à la plus proche maison, celle de la petite bergère.
Les jours qui suivirent, Helvellyn prit grand soin de l’inconnue. Les gens du village lui rendaient régulièrement visite, lui apportant ainsi des vivres et des baumes. Ils étaient également très curieux de voir cette femme qui avait vaincu à elle seule plusieurs démons. En fonction des histoires, il pouvait y en avoir trois, mais cela montait généralement jusqu’à dix !
– Comment va la fille de Blencathra ? demandaient les uns.
– J’y suis allé ce matin, répondit un autre, c’est la plus belle femme qu’on n’ait jamais vu.
– On dit qu’elle a tué les démons d’une seule main !
– Elle pourrait occire un dragon de l’autre, j’en suis sûre ! ajoutait une femme.
La « fille de Blencathra » était devenue le sujet principal des potins. Et chacun ne faisait qu’accroitre sa légende. Pourtant, elle ne s’était toujours pas réveillée.
Un mois passa. La femme du boulanger, une gentille dame toujours souriante, souvent espiègle, rendit alors visite à Helvellyn lui apportant du pain et quelques provisions.
– Comment va notre Blencathra ? demanda-t-elle.
– Toujours endormie, répondit tristement l’enfant. Il n’y a aucune amélioration.
– J’imagine que cela demande une énergie considérable pour abattre autant de démons comme elle l’a fait, répondit la boulangère en souriant. Elle doit se reposer.
Elle resta un moment pour tenir compagnie à Helvellyn qui ne sortait guère plus de sa maison afin de veiller sur l’inconnue. Elles papotèrent un moment de tout et de rien, pour le plus grand bonheur de la petite fille. Finalement, au bout de quelques heures la boulangère prit congé.
– Porte-toi bien mon enfant. Au revoir Dame Blencathra ! lança-t-elle en direction du lit où reposait la jeune femme en faisant une révérence volontairement exagérée.
Bien sûr, cette dernière ne répondit pas, mais cela eut pour mérite de faire rire Helvellyn. Toutes ces visites lui faisaient le plus grand bien. Les villageois étaient vraiment gentils et solidaires. Ils s’étaient toujours occupés d’elle. La boulangère s’éloigna alors et une voix rauque fit sursauter Helvellyn. « Qui appelle-t-elle « Blencathra » ? »
Surprise, la petite fille se retourna vivement. La voix venait de l’inconnue. Elle avait les yeux grands ouverts, des yeux noirs dont on ne distinguait même pas la pupille. Elle observait l’enfant fixement, sans aucune expression.
– C’est… hésita Helvellyn, c’est vous, finit-elle par répondre timidement.
L’étrangère ne broncha pas. Elle tenta de se redresser mais la fillette accourut pour l’en empêcher.
– Ne bougez pas ! Vous devez vous reposer, lui dit-elle avec empressement.
La femme la repoussa violemment.
– Je me suis assez reposée, affirma-t-elle d’une voix ferme.
Elle tenta de bouger ses jambes mais ressentit des picotements. Ses membres semblaient endormis par l’inactivité.
– Depuis combien de temps suis-je ici ? demanda-t-elle avec humeur.
– Un mois, murmura Helvellyn, en se tenant à bonne distance cette fois.
Elle n’osait affronter le regard de l’inconnue et gardait la tête basse. Certaine dernière soupira.
– D’autres sont-ils venus ? demanda-t-elle.
L’enfant leva la tête sans comprendre.
– Des démons, il y en a eu d’autres ? insista l’inconnue avec impatience.
– N… Non, finit par répondre Helvellyn, intimidée par le ton de la jeune femme.
Elle réalisa seulement que pendant tout le temps où elle veillait sur cette mystérieuse étrangère, d’autres démons auraient pu venir, les attaquer, alors qu’elles étaient sans défense. Elle sentit ses jambes trembler, elle eut de la peine à rester debout.
L’inconnue soupira de nouveau. Elle sembla alors, pour la première fois, s’intéresser à l’endroit où elle se trouvait.
– Où sommes-nous ? demanda-t-elle.
– C’est ma maison, répondit Helvellyn d’une petite voix.
La jeune femme étudia la petite de la tête aux pieds.
– Et je suis arrivée ici comment ?
– Les gens du village… Ils vous ont portée.
– Et ils t’ont laissée seule ici ? Avec moi ?
Le ton de sa voix était méprisant, ce qui eut pour effet d’ébranler Helvellyn qui ne pouvait pas la laisser penser du mal des personnes qui s’étaient si bien occupées d’elles.
– Pas du tout ! Ils sont venus tous les jours ! Ils ont apporté de la nourriture, des couvertures et même les baumes qui ont soigné vos blessures ! Tout le village a veillé sur vous !
Les joues de la fillette avaient rougi sur le coup de l’émotion. Sa réaction avait surpris l’étrangère mais maintenant elle souriait. « Elle a du caractère cette petite finalement. » se dit-elle. Elle reposa alors sa tête sur l’oreiller et ferma les yeux un instant.
– Ils ont apporté quoi comme nourriture ? Je meurs de faim, finit-elle par avouer.
Helvellyn lui apporta un peu de pain de la boulangère avec de l’eau. Les gens du village avaient dit qu’elle devait manger léger à son réveil et surtout boire. Mais l’inconnue ne l’entendait pas de cette oreille, et la petite dût très vite lui fournir le reste du pain avec de la viande séchée et des pommes.
Enfin, quand la jeune femme eut avalé l’équivalent de son poids en nourriture, elle s’endormit de nouveau.
La nuit suivante, Helvellyn fut réveillée par un bruit de pas dans sa maison. Elle se leva promptement et jeta un regard vers le lit de l’inconnue. Il était vide. Elle entendit alors soupirer du côté de la porte. Dans l’obscurité, elle se tenait là, toute de noir vêtue dans son armure dont les écailles renvoyaient d’étranges reflets dans l’obscurité. Ses longs cheveux sombres entouraient son visage et son corps telle une cape, comme la première fois où l’avait aperçue Helvellyn.
– Vous partez ? demanda l’enfant.
La femme soupira comme elle en avait l’habitude. Ce n’était pas son genre de parler inutilement. La réponse était pourtant évidente, non ? Bien sûr qu’elle partait.
Néanmoins, après une brève réflexion, elle fit un pas vers la petite fille. Elle lui tendit la main fermée sur quelque chose. Une brève lumière rouge en jaillit. Quand elle l’ouvrit, elle tenait un médaillon constitué d’une pierre, un grenat serti, et pendu au bout d’une chaine en argent.
– Il ne sera pas dit que je suis une ingrate, dit-elle visiblement fière d’elle-même. Prends-le. Si tu as besoin de mon aide, prononce mon nom trois fois et je viendrais.
La fillette admira le médaillon sans oser y toucher, elle n’avait jamais rien vu d’aussi joli. Puis son expression changea.
– Je ne connais pas votre nom, murmura-t-elle alors, embarrassée.
L’inconnue la regarda stupéfaite et, finalement, éclata de rire.
– C’est vrai ! lança-t-elle.
Elle respira profondément en fixant l’enfant et, après un court instant, reprit :
– Alors dis-moi, pourquoi les villageois m’ont-ils surnommée « Blencathra » ?
Helvellyn fut surprise de la question mais répondit.
– A cause de la colline où on vous a trouvée, celle où vous vous êtes battue contre ces démons.
– « Blencathra »…, répéta alors l’inconnue, pensive. J’aime bien. Ça sonne bien. Je trouve que le mot dégage une certaine puissance !
Elle était visiblement ravie.
– Eh bien, « Blencathra » ça sera !
Elle prit la main d’Helvellyn et y déposa le médaillon.
– Prononce « Blencathra » trois fois en portant cette pierre si tu as besoin et je viendrais. Mais attention, ce n’est valable qu’une seule fois ! Tu pourras garder la pierre si tu veux après. Au revoir !
Et Blencathra s’en fut, laissant la fillette seule dans la bergerie.